Carême de Noël

Dans la tradition orthodoxe la période de préparation aux fêtes de la Nativité de notre Seigneur Jésus Christ s'appelle « Carême de Noël », période de jeûne qui commence 40 jours avant la fête le 15 novembre, jour de la fête de l’apôtre Philippe (c'est pourquoi cette période est parfois appelée aussi « Carême de Philippe »).


LE CAREME DANS NOS VIES
par le Père Alexandre Schmemann

Qu'est-ce que le jeûne pour nous, chrétiens ? C'est notre incorporation à cette expérience du Christ lui-même, par laquelle il nous libère de notre entière dépendance envers la nourriture, la matière et le monde. Jeûner ne signifie qu’une chose : avoir faim, jusqu’à la limite de la condition humaine qui dépend entièrement de la nourriture, et là, ayant faim, découvrir que cette dépendance n’est pas toute la vérité au sujet de l’homme, que la faim elle-même est avant tout un état spirituel et que, finalement, elle est en réalité la FAIM DE DIEU... Nous avons besoin avant tout d'une préparation spirituelle à cet effort du jeûne. Elle consiste à demander aide à Dieu et à centrer notre jeûne sur Dieu. C'est par amour de Dieu que nous devrons jeûner. Il nous faut redécouvrir notre corps comme temple de la divine présence, retrouver un respect religieux du corps, de la nourriture, du rythme même de la vie.
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Le Carême est le moment de la recherche du sens, du sens de la vie professionnelle, considérée en termes de vocation ; du sens de ma relation aux autres, du sens de l'amitié, du sens de ma responsabilité. Il n'y a aucun métier, aucune vocation qui ne puissent être "transformés", ne fut-ce qu'un peu, en termes non de plus grande efficacité ou de meilleure organisation, mais en termes de valeur humaine.

C'est un même effort d'intériorisation de toutes nos relations qui nous est demandé ici, du fait que nous sommes des êtres libres, devenus (sans le savoir, bien souvent) prisonniers de systèmes qui déshumanisent progressivement le monde. Et notre foi ne peut avoir un sens que si elle est mise en rapport avec la vie dans toute sa complexité. Une multitude de gens pensent que les changements nécessaires ne viennent que de l’extérieur, des révolutions et des modifications des conditions extérieures. À nous, chrétiens, de prouver qu'en réalité tout vient de l'intérieur, de la foi et de la vie selon la foi .
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Si donc le Carême est pour l'homme une redécouverte de sa foi, il est aussi pour lui une redécouverte de la vie, de son sens divin et de sa profondeur sacrée. C'est en nous abstenant de la nourriture que nous redécouvrons sa douceur et que nous réapprenons à la recevoir de Dieu avec joie et gratitude. C'est en réduisant la musique et les divertissements, les conversations et les entretiens superficiels, que nous redécouvrons la valeur dernière des relations humaines, du travail de homme et de son art. Et nous redécouvrons tout ceci tout simplement parce que nous redécouvrons Dieu lui-même, parce que nous retournons à lui, et, en lui, à tout ce qu'il nous a donné, dans sa miséricorde et son amour infinis.

Extrait du livre d’Alexandre Schmemann,
Le Grand Carême : Ascèse et Liturgie dans l’Église orthodoxe.
Éditions de l’Abbaye de Bellefontaine, 1977.
Reproduit avec l’autorisation des Éditions de l’Abbaye de Bellefontaine.